La fratrie insoupçonnée de Léontine

Compte tenu de l’âge auquel Léontine a été abandonnée, celle-ci n’avait évidemment aucun souvenir de sa mère. Avait-elle une notion d’une potentielle famille? Difficile à dire… Et pourtant, elle a passé plusieurs années dans la même zone géographique que… son frère! Avaient-ils connaissance de leur existence respective? Rien n’est moins sûr…

Une enfance en famille d’accueil

On s’aperçoit très vite que l’enfance de Léontine et de son frère présentent beaucoup de similitudes.

Le frère de Léontine se prénomme Joseph. Il est de deux ans son cadet; il nait le 16 février 1890 à Paris, dans le 10e arrondissement. Leur mère Eugénie MORSELLI accouche à nouveau au 2 rue Ambroise Paré mais cette fois-ci chez un certain Georges Hüe.

Acte de naissance de Joseph MORSELLI à Paris dans le 10e arrondissement (Archives de Paris)

Dix neuf jours plus tard, Eugénie MORSELLI se présente, pour la deuxième fois de sa vie, à l’Hospice des enfants assistés pour signer l’abandon de son fils Joseph. Encore une fois, une « grande indifférence » est la raison évoquée pour cet abandon.

L’institution semble avoir proposé un « secours » à Eugénie, et même un rapatriement en Italie, tentatives refusées par celle-ci.

A partir de cet instant, Joseph porte le matricule 95033 parmi les enfants assistés de la Seine, et est très rapidement envoyé à la campagne, dans la Nièvre comme sa sœur, au bureau de placement de Saint-Saulge.

Extrait du registre d’admission de l’Hospice des enfants assistés de la Seine de l’année 1890 (Archives de Paris)
Dossier individuel d’admission à l’Hospice des enfants assistés de la Seine (Archives de Paris)

La sœur et le frère ont donc passé leur enfance dans des zones géographiques très proches, à 50 km de distance environ, probablement sans le savoir. Mais le passage à l’âge adulte et les directions prises par chacun vont les éloigner.

Localisation des bureaux de placement de Château-Chinon et Saint-Saulge dans la Nièvre (source: Géoportail)

Passage à l’âge adulte

Après cette période en famille d’accueil, Joseph se place comme domestique dans une ferme assez importante du village de Bligny, dans la commune de Saint-Firmin, proche de Saint-Saulge. Cette ferme fait certainement partie du domaine du château de Bligny.

Extrait du recensement de population de la commune de Saint-Firmin (village de Bligny) de 1911 (Archives de la Nièvre)
Carte postale ancienne représentant la château de Bligny (Archives de la Nièvre)

Joseph est ensuite appelé à faire son service militaire, et est affecté en octobre 1911 à un régiment de chasseurs à cheval. Il en est libéré en novembre 1913.

Sa fiche matricule nous permet d’accéder à une description physique de Joseph: jeune homme mesurant 1m63, aux cheveux châtains foncés et aux yeux marron clair, avec un visage osseux.

Extrait de la fiche matricule de Joseph MORSELLI (Archives de la Nièvre)

Dès le début d’année 1914, il s’installe en Saône-et-Loire, au Creusot, puis en août de la même année dans le Cher, à Apremont.

Première Guerre Mondiale

Joseph est rattrapé par la déclaration de la Première Guerre Mondiale et mobilisé dès le premier jour. Il est affecté d’abord à un régiment de chasseurs puis dans différents régiments de cuirassiers. En octobre 1918, il est gazé et évacué.

Extrait de la fiche matricule de Joseph MORSELLI (Archives de la Nièvre)

En janvier 1919, il est affecté comme homme d’équipe à la compagnie des Chemins de Fer Paris-Lyon-Marseille à Dijon, dont il démissionne en septembre 1919.

La vie de famille

Quelques mois auparavant, en juin 1919, Joseph célèbre ses noces avec une jeune femme de la région où il a passé son enfance, Louise PANNETRAT.

Etonnamment cet acte n’indique pas que Joseph a fait partie de enfants assistés de la Seine. Par contre, il confirme que Joseph n’a aucun lien avec sa mère comme on peut s’y attendre en cas d’abandon; il déclare « sous serment ne pas connaitre le lieu de domicile ou de décès de sa mère ».

Extrait de l’acte de mariage de Joseph MORSELLI (archives personnelles)

Le couple décide de s’installer dans l’Eure-et-Loir, dans la commune de Garnay au printemps 1920. Joseph exerce alors la profession de garde particulier au château de Marmousse.

Vue du château de Marmousse (source: Wikipedia)

Le couple n’a pas d’enfant, mais élève à son foyer une nièce de Louise PANNETRAT.

Extrait du recensement de population de la commune de Garnay en 1936 (Archives d’Eure-et-Loir)

Cette existence est perturbée par le début de la Seconde Guerre Mondiale. Joseph est mobilisé, pour la deuxième fois de sa vie, le 10 septembre 1939 et affecté à l’école centrale de Pyrotechnie. Il rentre finalement dans ses foyers le 4 novembre 1939.

Suite au décès de son épouse, Joseph se remarie en 1961 avec Berthe Marguerite FERRET à Dreux (Eure-et-Loir). Il décède le 3 janvier 1965 à Dreux, à l’âge de 75 ans … Tout comme sa sœur Léontine!

Le deuxième frère

Une petite surprise pour terminer cet article: Léontine et Joseph ont eu un frère cadet! Il s’agit d’Antoine qui est né le 24 janvier 1894 à Paris dans le 10e arrondissement. Il n’a apparemment pas été déposé à l’Hospice des enfants assistés de Paris comme ses aînés. Aucune autre information n’a pour l’instant été découverte sur cet enfant.

Acte de naissance d’Antoine MORSELLI à Paris dans le 10e arrondissement (Archives de Paris)

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer