Portrait d’enfant abandonné : Léontine

Pour commencer cette série de portraits d’enfants placés en pension dans le Morvan à la toute fin du XIXe, j’ai choisi Léontine, née en 1888 à Paris et abandonnée à l’âge de 9 jours.

Naissance et abandon

Léontine nait le 28 mars 1888 à Paris 10e arrondissement. Dès sa naissance, on craint que la vie soit difficile pour Léontine. Sa mère Eugénie MORSELLI, immigrée italienne, est célibataire et travaille comme couturière pour gagner chichement sa subsistance.

Elle accouche chez Charles MALLET, dont on sait seulement qu’il est employé et qu’il habite au numéro 2 rue Ambroise Paré. Quel lien entretient-il avec Eugénie MORSELLI? Est-il le père de Léontine? Autant de questions qui restent sans réponse.

Le 6 avril 1888, alors que Léontine a seulement 9 jours, sa mère décide de l’emmener à l’Hospice des enfants assistés et signe son procès-verbal d’abandon. Raison mise en avant: l’indifférence. Si de nombreuses mères abandonnent leur enfant pour difficultés financières, voire indigence, je trouve que l’indifférence est une raison encore bien plus violente.

La jeune Léontine est immédiatement baptisée à l’Hospice et est désormais connue de l’administration sous le matricule 88085. Deux jours plus tard, elle fait partie du convoi qui emmène de nombreux enfants assistés à la campagne, en l’occurrence dans la Nièvre, au bureau de placement de Château-Chinon. Elle passera toute son enfance dans cette circonscription.

Extrait du registre d’admission de l’Hospice de enfants assistés de la Seine de l’année 1888 (Archives de Paris)
Dossier individuel d’admission à l’Hospice des enfants assistés de la Seine (Archives de Paris)
Déplacement à la campagne, dans la circonscription de Château-Chinon

Placement dans une famille d’accueil

Léontine passera toute son enfance dans la même famille, chez Jean Fourré et Reine Duruisseau.

Lors de son arrivée, la famille est assez nombreuse: on compte les parents de Jean Fourré (Jean Fourré et Marie Léger), le couple Fourré-Duruisseau et leurs 3 enfants (Annette, Henri et Jean-Baptiste), et un autre pensionnaire Victor Dary un peu plus âgé.

Extrait du recensement de population de la commune de Planchez de 1891 (Archives de la Nièvre)

En 1896, la famille d’accueil a légèrement changé de configuration. La fille du couple Fourré-Duruisseau a quitté le foyer, mais leur fils ainé l’a réintégré. A cette époque, Léontine est la seule pensionnaire de la famille.

Extrait du recensement de population de la commune de Planchez de 1896 (Archives de la Nièvre)

En 1901, la structure du foyer a été profondément modifiée. Jean Fourré, ainsi que ses parents, sont décédés. Reine Duruisseau se retrouve à la tête de l’exploitation agricole familiale, aidée de son plus jeune fils Jean-Baptiste, et évidemment de Léontine qui, à l’âge de 12 ans, devait déjà remplir de nombreuses tâches à la ferme.

Extrait du recensement de population de la commune de Planchez de 1901 (Archives de la Nièvre)

Au recensement de 1906, Léontine n’est plus en pension dans cette famille. Elle a été remplacée par une autre petite fille pensionnaire.

Mariage

On retrouve la trace de Léontine en 1909 dans une commune proche, Montsauche, pour son mariage. Léontine est alors domestique au bourg de la commune, et son futur époux Julien Dubois est journalier dans un des hameaux de la commune. Les deux jeunes gens partagent un point commun qui les a peut-être rapprochés; ils sont tous les deux des enfants assistés de la Seine. Leur mariage est célébré le 20 février 1909 à Montsauche, seulement quelques jours avant la majorité de Léontine.

L’acte de mariage fait apparaitre la signature de Léontine, une belle signature appliquée, témoignage de l’enseignement qu’elle a reçu durant son enfance.

Signature de Léontine dans son acte de mariage (Archives de la Nièvre)

Le couple ne s’établit pas dans la Nièvre. Il prend la direction de l’Oise où naissent leurs enfants Léon et Jeanne Hélène.

Léontine décède le 19 novembre 1963 à Clichy-la-Garenne, à l’âge de 75 ans.

Illustration: « Aux enfants assistés: L’abandon », Edouard Gelhay, 1886, Musée d’Art et d’Archéologie de Senlis

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